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Axe thématique 1 – « Texte, intertextualité et tradition » Responsables : ARAGIONE GABRIELLA , CUTINO MICHELE, GUIGNARD CHRISTOPHE
Au centre de cet axe de l’ITI se place la textualité, comme « lieu épistémologique » de rencontre entre tous ceux qui travaillent sur les religions dans une perspective philologico-historique.
Cette perspective est abordée sous trois opérations de recherche et formation interconnectées :
Opération 1 : « Textes ». L’étude philologique et rhétorique des textes fondateurs et de leurs élaborations doctrinales constitue la base pour une véritable compréhension des faits religieux, permettant d’en affiner la compréhension, l’histoire et les enjeux. En effet, face à des documents fragiles, dispersés et souvent fragmentaires, qui constituent les textes fondateurs des religions, naît avant tout la nécessité d'étudier leurs paramètres, textuels et contextuels, et d'en retracer l’histoire de la transmission, en leur consacrant une activité de recherche et de formation spécifiques, de haut niveau. La compréhension critico-textuelle des textes caractérisant les religions constitue la base incontournable pour une véritable compréhension historique des phénomènes religieux et pour le dialogue entre cultures/groupes religieux différents. Cette étude des textes religieux peut bien être conduite de façon complète dans l’ITI HiSAAR, avant tout parce qu’il comprend en son sein un nombre significatif de philologues qui s’occupent des productions de systèmes religieux ainsi que des spécialistes des différents codes/typologies textuels : il suffit de citer, à cet égard, l’apport essentiel qui peut venir des épigraphistes et des papyrologues strasbourgeois pour une compréhension des faits religieux qui ne se limite pas aux produits textuels « cultivés » et reconnus comme normatifs.
En outre, un regard nouveau est porté sur l’étude des textes fondateurs et de la littérature doctrinale en vertu de l’attention portée par beaucoup de ses chercheurs à l’intersection entre genres littéraires et élaboration doctrinale dans les différents systèmes religieux, comme c’est le cas, par exemple, des recherches conduites sur la poésie religieuse, en particulier de l’Antiquité tardive et du Moyen-Âge. Mais une perspective épistémologique encore plus novatrice dans l’approche des textes dans cet ITI est produite par les interactions entre la philologie et les autres disciplines représentées dans l’institut. En effet, l’analyse textuelle permet de retracer les explications des faits religieux jusqu'à leurs matrices historico-sociales si elle est effectivement intégrée par les données fournies par la sociologie et l’anthropologie, pratiquées en contact étroit avec l'histoire comparée des religions. On peut citer comme cas exemplaire récent l’application de la méthode de la comparaison, propre à l’anthropologie culturelle, aux origines du christianisme, permettant de repenser la supposée « nouveauté absolue » de cette religion à travers l’identification des spécificités qui l’individualisent, dans un contexte d’éléments communs qui la rendent comparable et tout autre qu’unique. À cet égard, dans cette interprétation des faits religieux intégrée entre philologie, sciences sociales, anthropologie et archéologie, il y a un vaste travail à conduire en vue d’une réorganisation même des études et d’un nouveau départ méthodologique.
Opération 2 : « Intertextualité ». L’étude de l’intersection entre ces textes (intertextualité) comme manifestation fondamentale d’une dimension interreligieuse permet de mieux saisir les modalités de communication/échange entre les différents phénomènes/groupes religieux. Au centre de cet effort de compréhension philologico-historique des textes religieux il y a, en effet, la reconstruction du milieu culturel de référence, c’est-à-dire du réseau des rapports que les textes et leurs auteurs ont instauré avec les textes que les précédent et avec ceux qui leur sont contemporains. L’approche intertextuelle est fondamentale pour recomposer dans un cadre historiquement fondé les rapports entre les textes religieux et pour mieux saisir les modalités de communication entre les différents phénomènes/groupes religieux, qui se sont traduits soit dans un dialogue/échange soit dans l’opposition/polémique. Cette approche permet, ainsi, de comprendre de la façon la plus exacte possible l’histoire de la culture et des idées religieuses qui se sont structurées et restructurées au contact d’autres cultures et systèmes religieux et qui ont été « déposées » dans des textes concrets, et de bien cadrer certaines questions concernant les rapports entre les religions comme celle du « parting of ways ».
Opération 3 :« Tradition ». L’élaboration des traditions textuelles religieuses est mise en lumière par les recherches de cet axe par l’étude des processus de canonisation, de réception et d’interprétation multiforme des textes fondateurs. Dans cette perspective, l’étude des transmissions textuelles dans les domaines religieux se configure non seulement comme reconstruction scientifique des parcours à travers lesquels les textes nous sont parvenus, mais aussi comme témoignage de la réception de ces textes dans les différents groupes religieux, de leur sélection/transformation/cristallisation visant à constituer des textes normatifs, et des processus complexes socio-culturels à travers lesquels on a attribué un caractère sacré à certains textes. Le but est celui d’analyser attentivement la constitution progressive de traditions interprétatives et doctrinales différentes, et des modalités à travers lesquelles, sur la base de cette définition d’un cadre normatif, on a repoussé aux marges certains textes, en en déterminant très souvent la disparition.
Les activités de cet axe, conformément aux trois opérations définies ci-dessus, se dérouleront concrètement autour des actions suivantes :
Action 1GIRPAM (M. Cutino)– Dans les année 2021-2024 s’est constitué , comme prévu dans la programmation initiale de l’ITI, un réseau international de chercheurs et enseignants-chercheurs sur les textes poétiques anciens et médiévaux de contenu exégétique et théologique, le GIRPAM, « Groupe International de Recherches sur la Poésie de l’Antiquité Tardive et du Moyen-Âge », coordonné par Michele Cutino (UR 4377 TCSR), et constitué en GIS à partir de 2021, visant à montrer les interactions entre langages et codes différents dans les « réécritures » des différentes traditions religieuses. Ce groupe de recherche a déjà produit un grand nombre de recherches et de livrables, comme il ressort du site, constamment mis à jour, https://girpam.u-strasbg.fr , dans le cadre aussi de projets financés, comme l’ANR-DFG PoBLAM « Poésie Biblique de l’Antiquité tardive au Moyen -Âge », https://poblam.u-strasbg.fr .
Dans la conviction que, parmi les différentes formes, il faut donner une place à part à la poésie de contenu doctrinal au vu de ses implications philosophico-théologiques qui exigent une approche intégrée et, donc, des compétences spécifiques complémentaires, on identifie l’un des volets du GIRPAM avec la poésie doctrinale et théologique, chrétienne et non chrétienne, comprenant dans cette définition la poésie didactique, les réécritures bibliques, la poésie théologique dans toutes ses formes (polémique, doctrinale, etc…), la poésie hagiographique, la poésie dans sa destination cultuelle (avec une attention particulier pour l’emploi liturgique des produits poétiques). Ce volet est celui proprement lié aux problématiques de l’ITI HiSAAR.
En fait, la grande nouveauté apportée par le christianisme dans la composition poétique en général est celle d'avoir développé le potentiel d'une création littéraire, pour ainsi dire "conjoncturelle", extrêmement diversifiée, qui se donne pour fonction avant tout l'élaboration théologique résultant de la nécessité de traduire les catégories judéo-chrétiennes dans un langage et une pensée gréco-romains, ainsi que de la relation dialectique entre hétérodoxie et orthodoxie. Or, ce sont ces éléments qui dès le début ont caractérisé la construction de l'identité chrétienne dès le début, à travers les différentes questions trinitaires, christologiques et ecclésiologiques. C'est la fameuse reformatio in melius théorisée par Jacques Fontaine (1988) comme un trait caractéristique de la littérature, particulièrement poétique, chrétienne. Cette reformatio est évidente chez des poètes comme Prudence ou Paulin de Nole qui ont marqué un changement profond non seulement des codes des genres mais du sens même de la création littéraire en vers, qui était souvent devenue une création à but prioritairement ludique, concevant la consécration chrétienne de leur activité poétique comme une forme d'offrande spirituelle, renouvelée dans chaque poème sous la forme d'autant d'"exercices spirituels".
Enfin, l'importance socioculturelle de la traduction de l'univers biblique et théologique chrétien sous des formes classiques a fait l'objet d'une attention de plus en plus grande (en particulier Cutino 2009, Agosti 2011, Mastrangelo 2017) dans plusieurs directions : a) d’une part on a pris en considération la fonction de ‘divulgation’ que cette traduction revêt, visant, avant tout, à rendre accessible, par les biais de l’instrument esthétique, la spéculation exégétique et théologique au profit des rudes, c'est-à-dire des personnes étrangères aux écoles catéchétiques ou aux carrières ecclésiastiques, mais qui appartiennent aux élites de leur temps. De ce point de vue, la production chrétienne en vers est d'un grand intérêt pour évaluer en profondeur le phénomène même de la christianisation des classes dominantes, et, pour ainsi dire, d'une "cléricalisation" de la culture, surtout à partir des IVe-Ve siècles, qui s’accomplit dans le Moyen-Âge (McBrine 2017); 2) d’autre part, une attention particulière a été consacrée par la critique de plus en plus à la relation entre auteur et lecteur dans la littérature chrétienne tardo-antique et à l’auto- représentation du poète face à la tradition poétologique classique (Kleinschmidt 2013, Hardie 2019), éléments ceux-ci qui changent considérablement suite à la nouveauté représentée par le christianisme.
On prevoir de mettre en oeuvre, entre 2025-2028, toute une série d’initiatives, visant à approfondir:
1-la relation d’osmose entre élaboration théologique et renouvellement des formes poétiques et ses conséquences sur le plan socio-culturel et littéraire
2-l'importance de cette relation pour déterminer un changement profond dans la façon dont la littérature a été conçue lors de la transition de l'Antiquité tardive au Moyen-Âge, qui aura une influence sur la structure même de la culture européenne ultérieure.
À cet égard, une attention particulière sera accordée à l'étude du phénomène en vertu duquel, à travers le monde de l'école et en raison de la christianisation de plus en plus massive de la société, cette production poétique devient à la fois un "classique" à utiliser dansl'exemplification/documentation des activités d'enseignement et joue un rôle faisant autorité dans les questions théologiques au Moyen Âge et au-delà.
Action 2 – « Conscience et contestation. Les origines médiévales de la conscience morale (1378-1520) » (I. Iribarren) Le programme (déjà en cours) d'édition critique des œuvres complètes de Jean Gerson (acteur crucial de l'histoire religieuse au Moyen Âge), co-porté par Isabelle Iribarren (UR 4377 TCSR) avec une équipe franco-américaine, visant la réévaluation de la transmission des œuvres de Gerson, est toujours d'actualité, s'agissant de la finalisation par Isabel Iribarren de la double édition critique De laude scriptorum(terminée et acceptée par CCCM) et De ligris legendis a monacho (en préparation), à paraître dans un seul volume CCCM.
À partir de 2026 ce volet va être substitué par le projet « Conscience et contestation. Les origines médiévales de la conscience morale (1378-1520) », pour lequel un colloque sera organisé les 6-8 janvier 2026. Ce projet est porté par un réseau européen d’historiens, de philosophes et de littéraires rassemblés autour de l’histoire intellectuelle du Moyen Âge tardif (1378-1520, du Grand Schisme à la Réforme). Ce groupe a développé des collaborations depuis 2022 par moyen d’un projet fédérateur qui aboutira à l’élaboration commune d’un livre, autour du rôle de la conscience individuelle comme lieu et principe d’opposition à l’autorité instituée à la fin du Moyen Âge en s’appuyant sur le dialogue entre des expertises complémentaires et en privilégiant l’interdisciplinarité. Il s’agit par-là d’interroger la mise en place des conditions de possibilité intellectuelles et sociales de l’apparition de l’autonomie de la conscience, considérée en général comme propre à la Modernité religieuse. À long terme, l’enjeu est de structurer les travaux autour de l’histoire intellectuelle du 15e siècle européen, trop souvent négligée, à partir d’un noyau dur qui pourra ultérieurement déposer des projets nationaux et européens sur des thèmes afférents. Le but est d’explorer le moment de transition du Moyen Âge à la Modernité pour comprendre ce qui a rendu possible cette Modernité (en termes de conditions intellectuelles et sociales), et qui explique à la fois sa forme et ses limites actuelles. Dans cette perspective, le projet est d’interroger la formation du concept d’autonomie morale qui joue un rôle structurant dans notre société pour comprendre les rapports entre individu et institution.
Action 3 - Fixation normative des textes fondateurs (M. Cutino- C. Guignard)– Dans les années 2021-2024 un groupe de travail transversal à l’ITI s’est créé, comprenant en premier lieu les historiens, les philologues et les canonistes, sur la fixation normative des textes fondateurs et sur les opérations de sélection qui ont conduit à la formation des différentes traditions religieuses et, par conséquent, à la constitution de traditions parallèles non canoniques. Le but est celui de parvenir à une interprétation pleinement historique de la naissance des premiers faits et groupes religieux (mazdéisme, bouddhisme, christianisme, islam, etc.).
Ce groupe a organisé dans les année 2021-2024 différents moments scientifiques, école d’été sur la canonisation des textes fondateurs, séminaires du DU, et colloques internationaux sur thèmes spécifiques (e.g. le colloque international sur le Canon Muratori). On continuera cette action à partir de 2025 portant le focus sur tout ce qui dans les différents systèmes religieux, suite à ce procès de sélection normative, est resté au final aux marges, ou a disparu sans laisser traces, ou a été transmis exclusivement par les biais des lignes ‘orthodoxes. On commence déjà en 2025-2026 avec les séminaires axe 1 rentrant dans le DU, portant sur le thème « La parole des marginaux dans les différents systèmes religieux » (pour l’argumentaire duquel on renvoie à la partie formation).
Action 4 – « Programme de recherches intégrées sur les origines du christianisme » (G. Aragione – M. Cutino- C. Guignard). Depuis 2021 a été mis en place un programme de recherche intégrée sur les origines du christianisme , visant, à travers l’apport des historiens, des philologues, des sociologues, des anthropologues compris dans l’ITI (partenaires extérieurs compris), à une interpretation pleinement historique de la naissance des premiers faits et groupes religieux à l’intérieur du christianisme. On a travaillé dans les années 2021-2024 sur les figures du premier christianisme , organisant un colloque en particulier en septembre 2021, dont les actes vient de paraitre en 2025. Pour cette deuxième phase de la programmation ITI deux volets sont prévus :
a)z Histoire des femmes et du genre dans l’Antiquité chrétienne (G. Aragione). Malgré les études de plus en plus nombreuses ayant trait aux femmes dans l’Antiquité chrétienne, un véritable programme de recherche consacré à ce sujet fait encore défaut, notamment dans le contexte universitaire français. L’une des actions de l’Axe 1 vise à combler cette lacune, par la constitution d’un groupe de recherche international composé de spécialistes de la période tardo-antique et, pour renforcer davantage la dimension interdisciplinaire, comprenant également des archéologues, des anthropologues et des sociologues des mondes anciens. Projet à court terme : organisation d’un colloque international sur les pratiques vestimentaires féminines, visant à examiner dans quelle mesure les convictions religieuses ont influencé le choix vestimentaire des femmes (par exemple : port du voile, choix de certaines couleurs au détriment d’autres, coupe des vêtements, transparence des tissus, toutes sortes d’accessoires, etc.), et ont de ce fait contribué à l’évolution des tenues vestimentaires, en l’occurrence, féminines, comme le témoignent entre autres les représentations figurées des périodes envisagées.
b)c L’idée d’universalité dans le christianisme des origines (I-III s.)- G. Aragione-M. Cutino-C. Guignard. Dans les dernières décennies on a de plus en plus mis l’accent, dans la reconstruction des origines chrétiennes, sur la nature originellement plurielle des communautés chrétiennes, c’est-à-dire, plus clairement sur le fait que « la localisation, la multiplicité originelle, la partialité, l'indépendance, le manque de connaissance mutuelle et le conflit sont des caractéristiques de la transmission des matériaux sur Jésus déjà dans les temps les plus anciens » (Pesce 2014, 81). Cela s’est traduit souvent sur une insistance à l’excès sur ce concept de la multiplicité originelle, la concevant comme une extrême fragmentation, au détriment de la reconnaissance de courants majoritaires, sans doute marqués par des divergences, mais unis néanmoins par des liens sans lesquels il serait difficile de comprendre comment la ‘Grande Eglise’ aurait pu s’affirmer comme un mouvement présentant une assez grande cohérence au IIe siècle. Ce qui reste à expliquer est, donc, le processus réussi de composition dialectique, donc d'unification idéologique des différentes traditions ‘rivales’, qui, le long du IIe siècle est opéré par la "grande Église". Autrement dit, comment l'unique surgit-il du multiple ?
L’étude de ce processus de la multiplicité à l’unité est très peu étudié surtout en ce qui concerne les premiers siècles chrétiens, si l’on excepte le versant de la distinction orthodoxie -hétérodoxie à laquelle la critique a réservé majoritairement ses attentions. Il s’agit d’une question délicate, parce que, s’il est clair que le lieu de réalisation de ce passage ne peut être identifié qu'en dehors des frontières d'Israël, de sorte que dans la communauté universelle la composante juive sera de plus en plus réduite, cependant l'intention universelle/catholique qui l'a inspiré est juive, générée au sein de communautés juives qui décident de communiquer leur mémoire de Jésus le Messie aux païens, dont l'élection commence, de manière presque imprévisible, à être prospectée comme la pleine réalisation du temps eschatologique.
L'histoire des origines chrétiennes doit donc être configurée comme une dialectique complexe et diversifiée entre une dynamique centripète, apocalyptique, élective, exclusive, et une dynamique universelle, expansive, historiquement progressive, englobante, dialectique qui attend encore être évaluée de plus près. En effet, une doctrine spécifiquement chrétienne universelle se constitue pas du tout parce qu'elle s'est immédiatement répandue dans toutes les communautés chrétiennes, mais parce qu'elle a médiatisé la plupart des lignes théologiques des principales communautés primitives.
L’identification du concept de l’universalité de la religion chrétienne dès ses origines résulte donc particulièrement complexe et nécessitant de compétences multiples intégrées, ainsi que d’un projet de longue envergure qui puisse éclaircir tous les passages critiques à travers lesquels cette idée s’est imposée. Le projet présenté ici veut commencer à étudier en profondeur des aspects fondamentaux de cette problématique, dans une perspective tout à fait originale dans le panorama scientifique, notamment :
- La construction progressive de l’universalité ontologique du Christ-Logos
- Le concept d'universalité chez les premiers apologistes chrétiens
- La dimension socio-anthropologique de l’universalisme chrétien
Un colloque international intitulé « L’idée de l’universalité dans le christianisme des origines (I-III s.). Termes, concepts, institutiones sociales » est prévu à Strasbourg le 18-20 novembre 2026.
Action 5- « Edda poétique et processus de normativité »- (P.-B. Stahl, jusqu’à 31.01.2026) Ce projet de recherche interdisciplinaire est le fruit d’une délégation du MCF HDR Pierre-Brice Stahl au sein de l’ITI HiSAAR dans la période 01/02/2025 à 31/01/2026. Le projet vise à examiner les mécanismes et processus de formation de l’Edda poétique, œuvre centrale de la littérature norroise et principal accès à la religion nordique préchrétienne. En adoptant une approche historiographique et anthropologique, le projet explore les processus dynamiques de normativité, de circulation et de construction identitaire liés à ce corpus, mettant ainsi en lumière les enjeux et les raisons sous-jacentes à sa mise en place. Cette délégation à l’ITI HiSAAR poursuit trois objectifs principaux : la préparation d’une étude sur le processus de normativité de l’Edda poétique ; la publication des actes du colloque international « Eddic Poetry. Function and Authority » ; et le renforcement de la dynamique de collaborations scientifiques avec l’ITI HiSAAR.
La mise en place de cette délégation vise à permettre la préparation d’une étude intitulée « Poésie eddique et processus de normativité ». Cette dernière entreprend une véritable archéologie au sens foucaldien du terme, visant à saisir les processus de formation de ce corpus textuel, qui constitue un de nos principaux accès à la religion préchrétienne nordique. À partir de l’analyse des traditions manuscrites, des éditions et des traductions, on mettra en lumière l’évolution du corpus depuis la période médiévale, jusqu’à nos jours, tout en explorant également la question de leur oralité et transmission durant l’âge du fer tardif.
Le deuxième objectif concerne la publication des actes du colloque international « Eddic Poetry. Function and Authority », coorganisé avec Guillaume Ducœur, qui s’est tenu à l’Université de Strasbourg du 20 au 22 novembre 2024. Cet évènement s’inscrit dans le cadre du colloque annuel « Aarhus Old Norse Mythology Conference », le plus important rassemblement académique consacré à l’étude de la religion préchrétienne nordique. Initié en 2005 par l’Université d’Aarhus, cet événement est devenu un moment clé de partage et d'échange sur la religion norroise réunissant à la fois d'éminents spécialistes internationaux dans le domaine ainsi que de jeunes chercheurs, et favorisant le dialogue entre différentes approches disciplinaires, telles que l'histoire et l'anthropologie des religions, l'archéologie, le folklore, ou les études littéraires.
Ce projet a également pour objectif d’intensifier la coopération scientifique avec l'ITI HiSAAR.
Action 6 - Bible(s) et Coran : approches universitaires(A.S. Boisliveau, en lien avec l'Inistra, INstitut d'Islamologie de STRAsbourg). L’objectif de ce projet, lancé déjà dans l’année académique 2024-2025, est celui de créer un groupe de recherche visant, dans un premier temps, à organiser une série de conférences publiques, avec à chaque fois un thème commun aux études bibliques et coraniques, et deux intervenants (un sur la Bible et un sur le Coran). L'idée est celle des présenter des approches universitaires philologiques/historiennes, et de "donner à penser" à propos des méthodes utilisées et de l'intertextualité. Parmi les thèmes, qui pourront être proposes comme objet de réflexion:
- Récits de Création et cosmologie (dans la Bible et dans le Coran)
- Parler au nom de Dieu : La légitimation du rôle prophétique dans la Bible et le Coran.
- La figure de Noé (dans la Bible et dans le Coran)
- A qui parlent les textes? La présence des auditoires / destinataires dans des passages bibliques/coraniques.
- Démonologie dans la Bible et le Coran
Se rattache à cette activité aussi un post-doc rattachè à l’Inistra, dont bénéficie une historienne, Emily Cottrell, pour réaliser le projet intitulé QoraBib, consistant à créer un site internet plaçant côté à côte Bible hébraïque, Nouveau Testament et Coran, liés par la recherche de noms propres.https://islamologie.unistra.fr/recherche/programmes-de-recherche/
Action 7 – « L’État exégète » (M. Cutino, en lien avec WP 4.2. « Discours textes et médias » ReligiS) Si cette problématique sera traitée à l’intérieur de ReligiS du point de vue juridique et contemporain, on se propose d’associer à ce volet l’étude de la notion d’« État exégète dans une profondeur historique, s’intéressant tout particulièrement au cas français envisagé dans sa longue durée. L’approche sera plurielle – tant sur le plan méthodologique que disciplinaire – et s’appuiera sur des compétences historiques et théoriques. Par « État exégète », on entend ici le phénomène par lequel un pouvoir étatique s’arroge l’autorité de fixer la juste interprétation du fait religieux. Dans le cadre du long processus de sécularisation européen, les traditions religieuses tendent à être réduites à des textes. Ceux-ci sont alors soumis à l’interprétation d’un principe étatique séculier, lequel se confère un pouvoir absolu et donc sacralisé.
La mise en lumière de cette notion s’appuie sur le constat que cette prétention normative, loin d’être un accident isolé dans les relations entre pouvoirs étatiques et institutions religieuses, manifeste au contraire – dans les sociétés chrétiennes et postchrétiennes – une dialectique non résolue entre politique et religion. Le terme « religion » est ici compris dans son acception culturellement chrétienne, même lorsqu’il s’applique à d’autres traditions, du fait de l’invention européenne moderne de cette notion et de son application extensive.
Il s’agira d’examiner des moments marquants, des cas emblématiques et des enjeux théoriques liés à l’émergence d’un pouvoir politique visant à fixer l’orientation religieuse de l’État : définir la juste interprétation des Écritures, encadrer le clergé et réglementer la production intellectuelle.
Un moment clé de cette histoire européenne est l’affirmation, au XIIe siècle, de l’indépendance et de la suprématie pontificale face aux pouvoirs séculiers. Cette affirmation s’est accompagnée d’innovations gouvernementales telles que le développement du droit canonique comme système juridique autonome, l’institution de l’Église comme entité politique corporative, l’élévation de l’autorité spirituelle au-dessus du pouvoir temporel, et la consolidation de cette autorité sous l’égide du pape. Selon Harold Berman (1983), ces processus ont conduit à la naissance de l’État occidental moderne, dont le premier modèle fut paradoxalement l’Église elle-même. C’est ainsi que le christianisme s’est transformé en un « programme politique et juridique », et le droit canonique, en instrument d’unité entre l’État et l’Église et de réforme du monde. Cette perspective culmine dans ce qu’Alain Tallon appelle la création d’une « monarchie évangélique, chargée de faire revenir le règne du Christ dans l’Église et dans l’État, et d’un roi prophète dont la proximité personnelle avec le Seigneur est équivalente à celle du Baptiste ou des apôtres » (Tallon 2010).
Le pouvoir exégétique de l’État s’affirme pleinement après la crise profonde des guerres de religion, qui suscite chez les élites une exigence de tolérance et une volonté de rationaliser – donc de dédogmatiser – le religieux. L’analyse portera ensuite sur certains moments clés du gallicanisme royal : sa formulation moderne après l’échec du concile de Pise, les projets d’hégémonie entre le Concordat de Bologne et les tentatives ambiguës, puis avortées, de réforme monarchique mystique à Meaux. Les guerres de religion et la révocation de l’Édit de Nantes seront également relues sous cet angle. Une attention particulière sera portée à la confrontation dialectique entre le modèle français et le « magnétisme symbolique » de la figure pontificale, laquelle incarne progressivement une volonté universelle de puissance et une prétention absolue à la vérité et au gouvernement sacré et temporel. Elle devient le caput récapitulatif non seulement de l’histoire hébraïque (Moïse, Josué, David, Salomon) mais aussi de l’histoire classique (Alexandre, Romulus, les héros de la République romaine, Scipion, Cicéron, César, Auguste) – ce que Paolo Prodi a désigné comme le premier modèle de pouvoir étatique moderne (Lettieri 2023).
Le projet s’inspirera aussi de la perspective théorique de Michel de Certeau (1975), selon qui la constitution de la France moderne s’opère par la « normalisation » d’une « société d’ordres autour du foyer royal qui lui fournit à la fois son centre, et, tel un miroir, la possibilité de se représenter elle-même », par la reprise des structures religieuses sous un autre régime. Certeau insiste non sur l’imposition d’une nouvelle idéologie, mais sur des pratiques qui instituent une nouvelle moralité publique. Dans ce contexte, « le “système” chrétien, affaibli, se transforme en théâtre sacré du système qui lui succède ». Grâce à l’échantillonnage historique opéré par le panel – et à l’appel à contributions qu’on lancera – l’État exégète apparaîtra comme un laboratoire exemplaire des formes prises par le religieux dans la modernité occidentale.
Axe thématique 2 – « Identités et altérités » Responsables : FRICKER DENIS, MONNOT CHRISTOPHE
Cet axe a pour objectif d’identifier les marqueurs identitaires et les convictions partagées ; d’expliquer les tensions entre différences, logiques de démarcation d’une part, et idées, convictions partagées d’autre part. L’identité elle-même se construit sur des valeurs et des pratiques communes. Elle se décline à travers deux dimensions principales : le même qui affilie à un groupe, mais distingue de l’autre ; la permanence qui structure, mais est constamment à renégocier face à l’autre.
Dans les années 2021-2024 les actions reentrant dans cette thématique ont approfondi substantiellement deux aspects interconnectés:
1. la contextualisation – l’étude serrée des contextes spatiaux, culturels et historiques constitue une étape fondamentale vers une évaluation critique des identités religieuses et de leur rapport à l’altérité. L’analyse précise de marqueurs identitaires et de tabous permet ainsi de circonscrire les frontières, exclusives ou inclusives, de communautés grâce à des critères anthropologiques réévalués selon des contextes spatio-temporels divers. Les pratiques alimentaires et de commensalité, le rapport à la nudité ou à la souillure ainsi que les pratiques sexuelles ou matrimoniales (monogamie, polygamie, polyandrie, endogamie, exogamie) constituent, parmi d’autres encore, des lignes de séparation entre systèmes religieux et sociétés, entre individualité et altérité
2. l’étude du décalage récurrent entre normes [religieuses d’une part, et réalités et quotidien relationnels, d’autre part], éclaire à la fois les logiques identitaires, la construction du regard et du discours sur l’autre croyant, et les dynamiques de relations qui s’instaurent malgré tout entre communautés, groupes voisins appartenant à des religions différentes. En effet, le discours normatif fondé sur la tradition et des principes doctrinaux spécifiques a pour objectif principal et pour conséquence de définir le groupe qui les produit ; mais il conduit aussi à le séparer, à le démarquer des autres communautés religieuses, qu’il n’apprend à connaître que progressivement à travers le temps long. Tandis que les rapports qui s’instaurent entre ces groupes dans le quotidien des relations de voisinage ou de poursuite d’objectifs pragmatiques partagés – diplomatie, commerce, dimension souvent pratique des savoirs transférés – témoignent de relations qui peuvent être plus détendues, voire constructives, même si elles ne sont pas non plus exemptes de rivalités.
Toutefois, la distorsion entre ces normes religieuses et les réalités relationnelles expérimentées, conduit aussi en retour, parfois et très progressivement, à certaines restructurations, à certains assouplissements doctrinaux, dans une lente logique dialectique, qui n’est d’ailleurs pas symétrique selon les groupes en relation.
L’étude des progressives différences de perception de l’autre religieux, exprimées d’une part par les représentants de la norme (clergé, théologiens, savants…) et simples fidèles (en particulier les laïcs) fait l’objet, dans les recherches de cet axe, d’enquêtes minutieuses (re)valorisant en particulier les témoignages des sujets qui, par définition, ne font pas autorité pour s’exprimer et qui sont souvent peu nombreux. Leur apport est, en effet, essentiel pour comprendre et mesurer la distorsion entre normes religieuses et réalités relationnelles (on pense en particulier au regard potentiellement différent des ecclésiastiques et des laïcs chrétiens sur les musulmans lors de leurs voyages en pays d’Islam, notamment lors des pèlerinages à Jérusalem, alors que la ville appartient à un pouvoir musulman ; de même qu’aux premières figures d’intellectuels laïcs qui émergent à la fin du Moyen Âge - Brunetto Latini, Dante - et expriment parfois un regard différent, voire plus nuancé sur l’autre religieux). De même en est-il des voyageurs, explorateurs, intellectuels et savants ayant parcouru les Amériques ou le continent asiatique jusqu’aux confins de l’Extrême-Orient et de l’Asie du Sud-est.
À partir de 2025-2026, en lien aussi avec le programme de formation à la recherche faisant partie du DU, les responsables d’axes veulent approfondir la notion de pluralisme, en lien avec celle de tolerance. Le pluralisme religieux en tant que concept est un produit de la modernité, mais il devient de plus en plus une urgence politique et culturelle de notre temps. Enraciné dans le contact entre les religions, il prend des dimensions différentes selon les milieux dans lesquels il s'étend et présente également une durée et une complexité variables selon les contextes institutionnels appelés à gérer son articulation. Les projets ci-dessous visent à approfondir dans une perspective interdisciplinaire, différents aspects du domaine du pluralisme religieux. L'idée de « définition » ne se déploie pas dans un sens classificatoire et morphologique, mais dans celui d'élaboration du champ d'action et de représentation de la diversité religieuse. L'intention globale est de susciter une plus grande prise de conscience thématique et programmatique autour de certaines questions d'une grande importance, tant pour l'étude des religions du passé que pour la réflexion sur le présent.
Action 1. « Pluralisme : notre société devient-elle plus tolérante envers les autres appartenances religieuses ? » (Christophe Monnot)
Dans nos sociétés où pluralité religieuse et diversité de provenances et de statuts sont en continuelle augmentation en zones urbaines, on assiste premièrement à un voisinage nouveau et constructif de l’altérité. Cependant, la cosmopolitisation du monde ne fait pas que des gagnants et l’idéal multiculturaliste montre sérieusement ses limites. Dans ce contexte, des quartiers et populations construisent leur identité sur l’altérité alors que d’autres défendent leur identité contre l’altérité. Plusieurs études ont montré que, du point de vue religieux, la tolérance envers les autres religions augmentait avec la religiosité, d’autres montrent que le niveau d’éducation est important. Qu’en est-il de l’évolution dans nos sociétés ? La tolérance augmente-t-elle ou régresse-t-elle ?
- Pour répondre à cette question de l’(in)tolérance en augmentation ou en recul ? nous allons utiliser les résultats d’une analyse longitudinale (étude qui suit les mêmes individus pendant plusieurs années). Nous allons analyser quantitativement les changements d’attitude ou du « niveau de tolérance » des individus envers les appartenances (et non-appartenances) religieuses des autres et contrôler ces changements avec les variables sociométriques classiques (âge, genre, revenu, niveau scolaire, etc.). Les délivrables pour cette étude seront un article dans une revue internationale et des papiers à des conférences académiques internationales.
- Un autre aspect auquel nous assistons est la fracture toujours plus profonde entre une part de la population qui cherche à défendre une identité (plutôt orientée politiquement à droite) et une autre qui défend le cosmopolitisme, le multiculturalisme et la protection du climat (plutôt politiquement orientée à gauche). Plusieurs études ont été menées sur les factions identitaires, conservatrices et populistes. Peu se sont intéressées aux parties plus cosmopolites et « progressistes ». Tirant profit d’une enquête dans la région de Strasbourg autour de la mobilisation anti GCO (Grand contournement ouest de Strasbourg), nous aimerions proposer une analyse qualitative de ce milieu et de montrer que la mobilisation s’appuie bien plus sur le niveau sub-politique que politique. En conséquence, cela ne permet pas de mobiliser les individus pour des causes générales, comme c’est le cas dans les milieux populistes. Délivrable : un article dans une revue internationale, communication dans des conférences académiques internationales (SSSR, SISR, ASR[1]).
Action 2. Pluralisme religieux et doute (Denis Fricker)
Interroger le pluralisme religieux par le biais du doute permet de réfléchir l’usage de la raison critique dans ses applications aussi bien scientifiques qu’existentielles.
La reconnaissance d’une pluralité d’identités religieuses laisse planer le doute aussi bien sur l’identité propre que celle de l’autre. D’ailleurs, au sein même d’une religion les interprétations plurielles peuvent susciter le doute. Ce dernier n’est pas nécessairement singulier (Hoffmann, « Du doute aux doutes : distinctions nécessaires », 2024) et s’exprime aussi bien positivement que négativement.
Du point de vue confessionnel, le doute peut, en effet, présenter une menace pour l’identité assumée, notamment lorsque la foi en un credo préétabli constitue un critère d’appartenance ; il peut aussi entraver la sérénité de la pratique religieuse. Parallèlement, le doute est compris comme une chance pour l’approfondissement des convictions ou la construction de l’identité (Ricoeur, Soi-même comme un autre, 1990), ou encore comme une protection contre le fanatisme (Berger, Zijderveld, In praise of doubt : how to have convictions without becoming a fanatic, 2009).
Plus spécifiquement, peut se poser la question du rapport au doute de différents systèmes religieux : comment telle religion ou communauté de croyants définit le doute ? Comment réagit-elle à la remise en question de ses pratiques ou croyances ? jusqu’à quel point le doute est-il toléré, voire encouragé ? quand est-ce qu’il devient intolérable ?
Par ailleurs, pour l’exégète historico-critique la posture du doute – ne prenant pas pour acquises les interprétations reçues des textes religieux – fait partie de l’arsenal méthodologique qui autorise l’ouverture à la complexité des textes et à la pluralité des interprétations (status quaestionis).
Programme envisagé :
– Une journée d’études interdisciplinaires et internationale (trilingue) sur « Rôles du doute dans les traditions religieuses et dans le dialogue interreligieux » les 21-22 mai 2026 dans le cadre du master international Interreligious Studies qui articule formation et recherche (sous réserve de de confirmation de la thématique par les collègues des Universités de Bâle et Heidelberg et de la Hochschule für jüdische Studien de Heidelberg).
– Cette journée d’études constituera une première approche en vue d’un colloque international prévu pour 2028 avec publication d’un ouvrage collectif.
– Une université d’hiver ou d’été (2027) sur « Doute, raison critique et méthodologie de l’exégèse historico-critique » en collaboration avec l’axe 1 et coorganisé par les exégètes de l’UR 4377 (proposition à venir aussi dans le cadre de l’UR 4377)
– Une possibilité de collaboration avec le Groupe de recherche 4.2 Discours, textes, médias du projet ReligiS : par son côté déstabilisateur le doute peut aussi servir de levier pour décrédibiliser des convictions fondées sur des faits admis ou avérés en vue de proposer une autre représentation des faits selon une idéologie (fake-news ; climato-scepticisme etc.) politiques (« l’État exégète ») ou religieuse (« influenceurs religieux »).
[1] ASR = Association for the sociology of religion (association Nord américaine, conférence annuelle)
SISR = Société internationale de sociologie des religions (association mondiale, conférence bisannuelle)
SSSR = Society for the Scientific Study of Religion (association américaine, conférence annuelle)
Axe thématique 3 – « Religions et Politique » Responsables : KAYNAR ERDAL, MAURER CATHERINE, SANCHEZ JEAN-NOËL
Le lien entre religion et politique relève de l'expérience religieuse, marquant l'organisation et l'articulation historico-culturelle des religions. C'est un lien qui existe au sein même de l'expérience religieuse, avant même les événements qui marquent l'histoire des différentes cultures et des différents pays.
Dans le cadre de la recherche ITI HiSAAR « Religions » et « politique » sont étudiées dans la perspective dialectique de leurs relations réciproques, dans une approche interdisciplinaire à la fois socio-historique, anthropologique, mais aussi comparatiste. L’approche socio-historique permet à la fois d’envisager des situations multiples et différentes selon leur propre contexte social s’inscrivant dans une chronologie historique et de proposer des rapprochements dans une perspective comparatiste. La multiplicité des situations sociales et historiques, selon les époques, les cultures et les lieux, montre l’extrême malléabilité du concept de « religion » et de ses rapports avec le politique. S’il est arrivé qu’un système religieux ou plutôt ses acteurs prennent le pouvoir dans une forme plus ou moins achevée de « théocratie », le pouvoir politique génère parfois aussi sa propre religion ou devient sa propre religion. D’autre part, si « religion » et « politique » sont souvent perçues comme deux forces antagonistes qui semblent s’affronter régulièrement à travers l’histoire, les moments d’interaction entre « religion » et « politique » semblent avoir dominé pendant de longues périodes historiques au point qu’on peut aussi se demander s’il ne s’agit pas d’une forme commune du « vivre ensemble » des sociétés humaines (la plupart des sociétés antiques du bassin méditerranéen, la Chrétienté occidentale au Moyen Âge et jusqu’aux Lumières, les sociétés précolombiennes, védiques, confucéennes, et naturellement les mondes musulmans depuis le haut Moyen Âge jusqu’à la fondation de « l’État islamique »). Ainsi, la religion et la politique se posant en termes de savoir et de pouvoir convergents ou divergents dans des sociétés à un moment déterminé de leur histoire commune, il est important d’étudier comment l’un et l’autre sont nécessairement obligés de se structurer ou de se restructurer en fonction de leurs interactions mutuelles et de leur nécessité d’existence, voire de survie, parfois conditionnée par une visée sociétale commune, mais pas toujours.
Pour examiner cette relation complexe, après avoir insisté surtout ces dernières années (2023-2024) sur l'étude de cette relation dans l'histoire romaine, en particulier républicaine, on fera recours à des approches multiples et intégrées, allant de l'approche proprement historique à l'approche sociologique, en passant par la perspective de la philosophie de la religion. Voici en particulier les actions prévues.
Action 1. Empires & diversité religieuse(E. Kaynar-C. Maurer-J.-N. Sanchez)
L’historiographie moderniste et, a fortiori, contemporanéiste, s’est particulièrement intéressée au processus de confessionnalisation ou anti-confessionnalisation religieuse (dans ce sens, le processus tant débattu de sécularisation et la laïcité comme principe national entre dans cette perspective) dans son articulation avec la mise en place d’un État-nation, qu’il s’agisse de l’anglicanisme ou du gallicanisme, de la république batave à la fin du XVIème siècle, de la mise en place des États allemand et italien à la fin du XIXème siècle, mais aussi des développements politiques du XXème siècle, notamment dans les pays musulmans.
L’objectif est ici de s’intéresser à un autre type de structures politiques supposées antérieures, les constructions de type impérial de même que leurs prolongements post-impériaux, que nous entendons ici dans un sens large, c’est-à-dire tout autant les empires déclarés comme tels que les entités politiques dont la structure polyethnique ou polysynodiale s’en rapproche à l’instar des Empires romain, austro-hongrois, chinois, ottoman ou russe, mais aussi la Monarchie Catholique espagnole et, au-delà, les espaces coloniaux construits par les États européens du XVIème au XXème siècle. Il s’agira de même d’étudier les effets durables de la gestion impériale des religions sur les rapports contemporains entre religion et politique, qu'il s'agisse des tensions entre État supposé neutre et revendications religieuses, la politisation du discours religieux, ou encore la gestion des diversités religieuses en Europe et ailleurs.
Le choix de ce sujet très vaste s’inscrit dans la volonté de proposer, dans le contexte de pause de l’activité scientifique de l’ITI HISAAR durant un an et de restructuration de l’Axe 3, une conférence inaugurale – prevue en mai ou juin 2026 - portant tout à la fois sur plusieurs aires géoculturelles et plusieurs périodes historiques. Dans l’idéal, les présentations couvriront un espace-temps allant de l’Empire romain (ou même les empires mésopotamiens) jusqu’aux phénomènes actuels.
De ce fait, ce colloque vise à poser la question de la nature impériale de certains États contemporains sur la base de leur appréhension de la diversité religieuse, comme le principe de laïcité turque, d'indifférence religieuse chinoise ou le Pancasila de l’Indonésie en constituent d'excellents exemples.
Le programme d’enseignement de l’axe 3 pour le DU HISAAR de même que la Summer School ou Masterclass (suivant le choix privilégié par l’axe 2) suivra cette même thématique.
Une publication collective viendra clore ce premier cycle.
Action 2 - Charité confessionnelle et institutionnalisation politique du Moyen-Âge à l’époque contemporaine (E. Kaynar, C. Maurer, J.-N. Sanchez).
L’idée est ici de questioner, à travers un colloque international (à prévoir en mai ou juin 2027) dans une perspective large et ouverte le processus d’institutionnalisation de la charité, depuis le Moyen-Âge jusqu’à aujourd’hui, au sein de plusieurs religions (catholicisme, protestantisme, islam, judaïsme, idéalement aussi bouddhisme et hindouisme), toujours, comme pour le premier colloque, dans la perspective de comprendre les transformations qui ont mené aux phénomènes actuels, même laïques, à l’instar de la notion d’État-providence.
Le programme d’enseignement de l’axe 3 pour le DU HISAAR de même que la Master Class ou Summer School (suivant le choix privilégié par l’axe 2, une alternance avec l’année précédente étant souhaitable) suivra cette même thématique.
Une publication collective viendra clore ce premier cycle.
Action 3- L’esthétique, témoin matériel du dialogue des religions et de la politique (I. Moulin). Afin de mieux comprendre l’articulation entre le phénomène religieux et la politique, on souhaite travailler dans ce projet la question esthétique, dans sa dimension métaphysique, éthique et artistique. Comment la question de la création, artistique par exemple, révèle-t-elle la dimension religieuse de la création dans sa différence avec sa dimension subvertie du totalitarisme ? Comment doit se comprendre le rapport du politique à la création avec les outils esthétiques ? En quoi l’esthétique manifeste-t-elle une valeur de vérité qui devient critère de jugement du politique ? Par ailleurs, le politique peut-il s’exprimer de manière poétique ou artistique qui témoigne à la fois d’une dimension métaphysique et théologique ? Si l’art est le lieu de la positivité de la différence, quelle application peut-on en faire dans le domaine politique, en particulier pour une meilleure compréhension de la démocratie et de la question identitaire ? Quels sont également les lieux artistiques qui manifestent le dialogue du religieux et du politique ?
Le projet donnera lieu à la mise en place d’une Master Class ou Winter / Summer School.
Il donnera lieu aussi à la mise en place d’une exposition en 2028, à Strasbourg puis à Cambridge.
Action 4« L’effritement du religieux historique et ses conséquences sociales, politiques et institutionnelles » (C. Monnot)
Les sociologues (Chaves, Hervieu-Léger, Voas, Willaime…), les philosophes (Habermas, Joas, Taylor, etc.), les historiens (Cuchet, McLeod, Pelletier…) ainsi que les théologiens (Berger, Cox, etc.) ont déjà abondamment discuté le processus de sécularisation qui touche la société, au moins dans son contexte occidental. Cependant, peu de recherches se sont intéressées aux effets de cette tendance baissière (moins de membres, moins de ressources, moins de capital social et culturel, etc.) sur les acteurs religieux eux-mêmes (à part Hervieu-Léger 2017 pour les moines). Le programme de recherches mené dans ce projet, a pour objectif de comprendre les effets de la sécularisation sur les acteurs et les institutions avec des conséquences politiques et sociales en Europe (déplacement du religieux, déclassement de certains professions et corps sociaux, etc.). Ce programme de recherche se déploie sur trois axes : 1) les transformations institutionnelles — en Europe : la disparition de ce qu’il est convenu d’appeler la « civilisation paroissiale » (Lambert) — ; 2) les transformations professionnelles des figures de clercs, comme la relégation de la fonction du prêtre ou du pasteur à son strict aspect spirituel ; 3) la désinstitutionnalisation des membres, enfin, qui ouvre également de nouvelles possibilités d’engagements spirituels ou religieux dans de nouvelles sphères d’activités, comme la santé ou le bien-être.
- Les transformations institutionnelles
Plusieurs enquêtes en sociologie ont été menées dernièrement pour estimer les activités et le rayonnement des communautés religieuses sur le plan local. Nous nous intéresserons aux enquêtes quantitatives actuelles des vagues National Congregation Study qui fournissent des données représentatives des groupes religieux (communautés). En Europe, c’est en Suisse que les données sont les plus complètes et nous permettent de faire une comparaison entre plusieurs vagues. Nous nous intéresserons particulièrement à la disparition et au phénomène de fusions des paroisses ou de regroupement en unités pastorales. Délivrables : article dans une revue internationale et présentation des résultats dans des sociétés académiques internationales (SSSR, ASR, ESA[1], etc.)
- A. Les transformations professionnelles des figures de clerc
Les transformations du rôle de clerc et notamment dans le protestantisme historique, ont été peu étudiées depuis la recherche de Willaime sur les pasteurs en France au début des années 1980. L’affaiblissement du protestantisme conduit, selon cet auteur, à une professionnalisation, c’est-à-dire à une spécialisation et un domaine d’activité articulé autour des rites. À quoi conduit cette tendance actuellement ? comment la profession pasteur se déploie-t-elle et quel est le travail des pasteurs effectué sur les modifications de leur profession ? Cette enquête par entretiens permettra à travers un échantillon d’individus en activité pastorale en francophonie (ou ayant récemment quitté leur profession pour une autre) permettre de comprendre les transformations actuelles du rôle de clerc ainsi que le travail réflexif que les pasteurs mènent sur leur situation professionnelle. Délivrables : 1 ou 2 articles dans une revue à comité de lecture, présentation dans des sociétés académiques internationales (SISR), organisation d’une JE ou un colloque sur les transformations des figures de clerc avec publication des actes du colloque). Une thèse de doctorat.
B. Un deuxième aspect de la figure du clerc est celui de son rôle de leadership pour la communauté locale. Nous nous intéresserons aux prédications régulières de pasteurs de célèbres mega-churches françaises pour identifier le vocabulaire et le comparer à celui du management. Nous aimerions par cela montrer comment les pasteurs motivent leurs auditoires à travailler et devenir des membres actifs au sein de la communauté qui pourra compter sur eux pour croître. Pour les membres, ces méthodes leur permettent aussi de croître, de se sentir mieux et d’avoir des objectifs dans la vie. Délivrables : 1 article, communication dans des conférences académiques (plus participation au colloque sur les transformations du rôle de clerc présenté ci-dessus).
- Dans la configuration actuelle, les individus peuvent s’engager de manière individuelle et autonome — c’est-à-dire, hors institutions historiques — dans les domaines religieux et spirituels. Ces engagements et activités peuvent revêtir différentes formes (nouvelles pratiques, hybridation de croyances, distanciation du religieux, etc.) et offrent de nouvelles possibilités d’action (agency), en particulier pour les femmes (militantisme écologique, écospiritualité, santé holistique, coaching, présence accrue dans l’espace public de pratiques religieuses ou de symboles religieux, etc.). Un aspect que nous investiguerons particulièrement ces prochaines années est la floraison d’auto-entrepreneur, souvent des femmes, dans le domaine du coaching. Cette enquête envisage de mener une quarantaine d’entretiens avec des coaches et de comprendre les parcours et pratiques qui sont liés ou découlent des sphères religieuses et spirituelles pour apporter de l’empowerment à ceux qui l’exercent (ou à leur clientèle). Les délivrables envisagés pour cette recherche sont : communication dans des sociétés académiques internationales (ASR), un article, une JE ou un colloque et une thèse de doctorat.
Action 5 - Politique culturelle et patrimoine religieux, projet de collaboration muséologique dans les îles Visayas, Philippines (J.-N. Sanchez)
En juin 2024, JNSanchez a réalisé une mission de trois semaines aux Philippines financée par l’ITI HISAAR. L’objectif initial était de localiser des documents inédits, notamment en langue indigène, dans les îles Visayas du centre de l’archipel. Cependant, face aux maigres résultats obtenus (de fait aucun dans les Visayas), il a développé un autre objectif qui pourrait faire l’objet d’un projet scientifique ITI axé sur la vulgarisation, le service à la communauté et l’articulation entre histoire et époque présente.
Les recherches conduites ont en effet amené le chercheur à visiter plusieurs musées, à Calbayog (île de Samar, musée de la ville et de l’université franciscaine), à Cebu (île de Cebu musée jésuite et maison-musée jésuite), Loboc (île de Bohol) de même que les offices culturels de Jaro (île de Leyte) et surtout de Cebu. Parlant couramment cebuano (il est le seul spécialiste non philippin d’histoire des Philippines à l’être. À Samar et Leyte Est, on parle waraywaray, une autre langue de la même famille relativement intercompréhensible) et comme il était un ancien enseignant de l’Université San Carlos de Cebu, l’accueil a été excellent (la secrétaire de l’office culturel de Cebu était l’une de ses anciennes étudiantes).
Voici, sommairement présentés, les tenants et aboutissants du projet :
. Les Philippines sont un pays très catholique, le 3ème au monde en termes de population.
. L’essentiel de l’héritage colonial, et donc de l’histoire de ces espaces, est un héritage religieux.
. D’un côté, il y a une vraie demande locale pour mettre en valeur ce passé.
. D’un autre côté, il s’agit d’un passé colonial, où les populations indigènes ont été des acteurs, si ce n’est secondaires et passifs, dans tous les cas historiquement présentés comme tels.
. Pourtant, les musées ont tendance à s’articuler autour du point de vue du colonisateur, l’exemple extrême étant le musée de l’université franciscaine de Calbayog, qui a ouvert une galerie consacrée à l’œuvre ethnologique d’un missionnaire jésuite de la seconde moitié du XVIIe siècle. Mais en réalité, cette galerie est consacrée à la traduction en anglais de cette œuvre par le père polonais Kobak. Dans tous les musées visités, les descriptions sont en anglais, dans le meilleur des cas aussi en tagalog, la langue de Manille.
. Le problème des Philippins vis-à-vis de ce passé est qu’ils ne parlent pas/plus espagnol, et sont donc coupés de leur héritage colonial, historiquement réinterprété dans le contexte de quatre décennies d’occupation nord-américaine de l’archipel.
.L’objectif du projet n’est surtout pas de revaloriser un héritage colonial espagnol, mais de contribuer à l’indigénisation de cet héritage et de ces musées. Ceci est possible dans la mesure où les missionnaires ont rédigé des chroniques rapportant les coutumes locales. Ils ont aussi rédigé des dictionnaires qui attestent de l’état ancien des langues locales (JNSanchez travaille ainsi personnellement sur un dictionnaire de Visaya (cebuano et waraywaray, constitué entre le XVIIe siècle et le début du XVIIIe siècle), des catéchismes en langue autochtone (il possède ainsi la copie d’un catéchisme de plus de 1200 pages en cebuano). En somme, l’objectif est de collaborer avec les institutions locales en vue de repenser le matériel religieux colonial pour le transformer en héritage véritablement local. Il y a une véritable demande à ce niveau, assez déconnectée des objectifs historico-culturels nationaux (centré sur l’histoire de la région de Manille, tagalophone) dans laquelle on peut s’inscrire et parvenir à un résultat utile pour un vaste public tout en mettant en valeur des documents précis et rares issus de la recherche historiographique la plus actuelle.
Il est à noter que ce projet s’inscrit aussi parfaitement dans l’axe 2 Identité & Altérité.
Action 6 - Relations avec ReligiS Groupe de recherche 2.2 Patrimonialisation du religieux et problématiques mémorielles (Porteurs :Anne Dunan-Page (AMU), Anne Fornerod (CNRS-Unistra), Filippo Ronconi (EHESS).
Dans la mesure où Catherine Maurer appartient à ce groupe de recherche, l’articulation entre l’ITI HISAAR et ReligiS en sera facilitée, avec, notamment, une mise en relation entre patrimonialisation du religieux et contexte historico-politique.
Dans le contexte de sécularisation des sociétés contemporaines, le paradigme dominant reste celui d’une transition du sacré vers le profane, qui passerait ici par une patrimonialisation. L'analyse des processus de patrimonialisation touche, à des degrés divers, tous les continents et, en Europe, la plupart des traditions religieuses. Cette hypothèse mérite d'être explorée dans la mesure où les contours de cette patrimonialisation varient en profondeur (patrimonialisation partielle préservant une dimension religieuse voire entraînant une « recharge sacrale »), dans le temps (comme transition vers d’autres usages) et dans leurs formes (selon les catégories patrimoniales, spécificité de la transmission du patrimoine immatériel, contours d’une nouvelle utilité publique assignée aux biens, leur transformation en objets d’étude et de recherche…) selon les contextes et les traditions religieuses concernées (appropriation par les communautés – religieuses – elles-mêmes de la dimension patrimoniale de leurs biens ou, au contraire, rejet des usages culturels des biens religieux). Les changements de valeurs et d’acteurs ne sont pas nécessairement à sens unique et définitifs, donnant lieu à des mutations et à des cohabitations dans un même lieu et pouvant même conduire à une trajectoire inverse d’un retour au sacré, à travers un réinvestissement de lieux ou d’objets (voir la réactivation de mouvements néopaïens ou la coexistence des publics religieux et touristiques dans les sites de pèlerinage).
Dans ce groupe de recherche, il s'agira donc d'explorer en détail les modalités et les conséquences du processus d'inscription des biens religieux dans différentes catégories patrimoniales.
Action 7- Projet « Translatio » (J.-N. Sanchez)
Le projet Translatio, dont les porteurs principaux sont Jean-Noël Sanchez, Sonia Rose (Toulouse), Iván Escamilla (UNAM, Mexico) et Alejandro Valencia, a commencé en 2023, porté par l’ITI HISAAR. Il a donc donné lieu à un premier colloque international à Strasbourg, un second en 2024, appuyé également par l’ITI HISAAR à Mexico. En octobre prochain, la troisième itération, un peu plus ouverte puisque sa thématique sera « Adaptation, transformations et traductions dans les cultures lettrées laïques et religieuses (AmériqueS, XVIIe-XVIIIe siècles) », aura lieu à Toulouse et la quatrième à Lima, étant donné l’élargissement du projet à des collègues péruviens.
Collaboration projectuelle
ERC SYNERGY GRANT CALL
INKa - Uncovering Indigenous Normative Knowledge in Latin America
Porteurs : Manuel Bastias Saavedra (Leipzig Hannover University, Germany), Caroline Cunill (EHESS, France), Barbara Truffin (ULB, Belgium), Guillermo Wilde (CONICET, Argentina)
The INKa project proposes a radical rethinking of the role of the indigenous peoples of Latin America in shaping law from the 16th to the 21st century. While indigenous peoples have been recognized as actors in contemporary legal discourse, these approaches traditionally silence and fail to take into account the true potential of thinking of law through indigenous epistemologies. There are important reasons for this, particularly due to power and epistemological asymmetries that were based on colonialism, ethnocentrism, and eurocentrism. Through history of indigenous peoples, anthropological, legal historical, and legal anthropological research, the INKa project will uncover and reveal a vast corpus of indigenous normative knowledge that has shaped institutions and organized social relations from the colonial period until the present. It will be organized around three methodological pillars-systematization, framework, and feedbacks-that serve three core objectives: revealing the corpus of indigenous normative knowledge; transmitting this knowledge to historical, anthropological, and legal research; and generating feedbacks between historical research and contemporary processes. The first pillar will collect, systematize, and make available the breadth of indigenous normative knowledge from historical and living sources. The second will generate a framework for conducting research and legal practice that focuses on drawing from indigenous epistemologies. The final pillar will focus on informing contemporary legal doctrine and anthropology from historical and ethnographic sources and inquiring into how the colonial and the modern nation states were influenced by indigenous institutions.
Dans la mesure où Guillermo Wilde est spécialiste des missions jésuites au Paraguay aux XVIIème et XVIIIème siècles et que la question des savoirs indigènes est très liée à l’enjeu de la religiosité indigène dans sa confrontation avec le processus d’évangélisation, Guillermo Wilde (Université de Salta, CONICET, Argentine, fondateur récent du réseau RELIFRONT (Religión y Fronteras en el mundo iberoamericano), souhaiterait pouvoir candidater à l’ERC en tant que partenaire de l’Université de Strasbourg. Jean-Noël Sanchez, membre de l’ITI HISAAR, serait aussi membre du projet.
[1] ASR = Association for the sociology of religion (association Nord américaine, conférence annuelle)
ESA = European Sociological Association (Conférence bisannuelle)
SISR = Société internationale de sociologie des religions (association mondiale, conférence bisannuelle)
SSSR = Society for the Scientific Study of Religion (association américaine, conférence annuelle)
Axe thématique 4 – « Pratiques rituelles : gestes, objets et représentations » Responsables : LEFEFRE-NOVARO DANIELA, PERROT SYLVAIN, PFAFF MAUD
Cet axe thématique est consacré aux pratiques rituelles en contexte religieux. À l’instar des interactions sociales, les rapports entre les humains et les puissances invisibles s’établissent à travers divers langages faits de gestes, de paroles, de sons et d’images que l’on rassemble sous la désignation générale de « pratiques rituelles ». Cela inclut les cérémonies du culte, public ou domestique, les rituels rythmant la vie individuelle et collective, les lieux et les objets impliqués dans ces cérémonies, les pratiques marquant l’identité du groupe (symboles et représentations figurées, normes vestimentaires, règles alimentaires, tatouages, etc.). Les comportements rituels au sens large constituent autant de codes symboliques, culturellement définis, qui se prêtent par excellence à une approche interdisciplinaire. Historiens des textes, de l’art et des sociétés, archéologues, sociologues et ethnologues sont impliqués dans cet axe thématique. Il a été decline dans la période 2021-2024 en quatre opérations de recherche et de formation, articulées entre elles, qui ont donné lieu à une riche série d’événements dans le cadre de la recherche et du DU HiSAAR :
- Épistémologie du rituel
- Archéologie du rituel
- Ethnographie et matérialité du rituel
- Image, ritualité et religions
Pour la phase 2025-2028, les actions de cet axe seront ainsi articulées:
Action 1 - Religion et environnement (D. Lefèvre- S. Perrot-M. Pfaff)
Dans le cadre d’une analyse interdisciplinaire centrée sur les relations entre les systèmes religieux antiques et l’environnement au sein duquel les civilisations concernées se sont développées, le thème sera abordé tout au long de la période 2025-2028 sous différentes facettes :
- pratiques rituelles et animaux :
séminaire du DU 1er semestre 2025-26 sur animaux et religion + événement en lien avec la réouverture du musée zoologique (par ex. une conférence grand public) + colloque international en juin 2026 sur la rencontre entre l’homme et l’animal et les exemples de franchissements de frontières (déguisements, masques, costumes – mimétisme – métamorphoses), notamment en contexte rituel
- pratiques rituelles et paysages sonores, en particulier le rôle joué par la musique dans les processions, les sacrifices et dans les autres rituels en l’honneur des dieux
Action 2 - Religion et textile dans les cultures méditerranéennes(mondes égéen, égyptien, proche-oriental, grec, romain et comparaison avec les cultures ethnologiques, notamment en Guyane française)
(D. Lefèvre- S. Perrot-M. Pfaff)
Dans les rituels, une place de choix et un rôle symbolique sont attribués aux vêtements et aux textiles en général, porteurs d’un message iconographique souvent couplé à une couleur spécifique. Cet aspect sera analysé dans différentes cultures antiques et mis en parallèle avec les études ethnologiques et anthropologiques qui permettront de souligner la continuité et les nouveautés dans ces pratiques.
- séminaire ou école (d'hiver ou d'été) sur religion et textile pour le DU
Action 3- Pratiques mémorielles et continuités des rituels au fil des siècles dans le monde méditerranéen ancient (D. Lefèvre- S. Perrot-M. Pfaff)
- le cas du panthéon de Phaistos (Crète): Master Class octobre 2025 sur les rituels minoens (âge du Bronze) et leurs héritage dans la cité grecque d’époque historique
- les étiologies déployées par les poètes latins : continuité des rituels de la fondation de Rome à l'Empire (Fastes d'Ovide par exemple)
- performances musicales liées aux pratiques mémorielles, notamment dans le cas de la réactivation d’alliances politiques par la performance musicale
Action 4 - Cheminements et déplacements ritualisés (D. Lefèvre- S. Perrot-M. Pfaff)
- Les processions, rituels-cheminements-espaces : séminaire du DU ou une école (d'hiver ou d'été) 2026-27. L’un des cas à explorer pourrait être celui de Delphes pour analyser le parcours des processions en l’honneur d’Apollon dans la topographie du sanctuaire
- Processions et pratiques vestimentaires
- Processions et paysages sonores
- Quand les idées marchent en cortège… Allégories et cheminements d’idées, le langage symbolique dans l’Antiquité, au Moyen Âge et à la Renaissance (colloque international 2028) Il s’agit d’étudier des textes et des images représentant des cortèges d’allégories qui s’organisent autour d’une notion importante dans la culture de l’époque, ainsi « déclinée » sous toutes ses facettes (ex. de La calomnie d’Apelle). Cette façon de « penser en listes » s’enracine dans les rituels religieux des processions, et est attestée au Moyen-âge, à la Renaissance et à l’époque moderne, dans l’histoire de l’art mais aussi dans les pratiques rituelles au quotidien.